LIMOILOU- NOSTALGIE

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SAMMY ET LE TRAIN DU CANADIEN VERS CHICAGO

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En 1955, le Canadien voyageait à bord des trains du Canadian Pacific Railways (CPR) pour aller visiter les cinq autres clubs de la ligue.

Sammy était Porter (préposé au wagon-lit) comme on disait à l’époque. Originaire de la Barbade, il adorait son travail surtout quand il s’occupait du sleeping car des joueurs du Tricolore. Ce wagon s’appelait le Neville et était réservé aux voyages du Tricolore. Un wagon luxueux pour l’époque.

Le voyage vers Chicago, le plus long du CH, était son préféré. Le train 1224 quittait la Gare de Montréal à 23h45 pour arriver dans la Ville des vents le lendemain après-midi vers 16h30. C’était un des nombreux trains de nuit du CPR.

Trapu, costaud, Sammy était le gars que tous les joueurs aimaient car il souriait tout le temps et avait un bon mot pour chacun même pour Toe Blake qui ne riait que rarement pour ne pas dire jamais.

Il accueillait sa gang dans le wagon-lit à chaque fois par un « Hello champions ». Sammy était le plus grand fan du Bleu-Blanc-Rouge.

Arrivé à la gare une heure avant le départ, il préparait les couchettes et s’assurait que les gars ne manquent de rien, surtout pas de bière qu’il cachait dans son petit compartiment car Toe contrôlait la consommation de ses joueurs.

Aussitôt le train parti, certains joueurs se regroupaient pour une partie de cartes alors que d’autres allaient directement dormir. Toe ne dormait pas avant d’avoir remporté au moins une partie de poker. Souvent, vers 3h du matin, il était encore attablé devant ses cartes.

Sammy veillait, même très tard dans la nuit. Pas question de laisser ses illustres passagers sans service.

Quand tout le monde avait regagné sa couchette, Sammy regagnait la sienne située à l’arrière du wagon-lit. Mais souvent un incorrigible joueur de tours comme Boum-Boum le réveillait. Geoffrion adorait surprendre ses coéquipiers dans leur sommeil.

Une nuit, il pinça très fort le nez de Claude Provost qui ronflait. Provost se mit à hurler comme un damné, ce qui réveilla tout le wagon. Sammy dut se lever et calmer tout son monde. Il fît semblant de réprimander le Boomer, son chouchou au cœur d’or comme il disait et il essaya, en vain, de retrouver le sommeil.



À 7 heures précises, Sammy criait : « First call for breakfast ». Les joueurs se levaient, s’habillaient rapidement et se dirigeaient vers leur dining car, une voiture restaurant qui leur était réservée.

Pendant leur absence, le préposé défaisait les couchettes qui faisaient place à des sièges pour quatre. Il nettoyait et rangeait tout ce qui trainait.

Une heure plus tard, les gars revenaient dans leur wagon en rotant « quatre œufs-bacon-saucisses-patates ». Mais le voyage était loin d’être fini.

Recommençaient alors les éternelles parties de cartes. Seuls Plante, qui lisait un livre-ce qui était rare à cette époque pour un athlète- et le Rocket se tenaient un peu à l’écart du groupe. Maurice aimait bien être seul. Il était souvent taciturne. Sammy, toujours discret, le laissait tranquille…mais quelquefois le Rocket lui faisait signe de s’asseoir avec lui. Les deux hommes échangeaient alors pendant quelques minutes.

À midi, même rituel : « First call for lunch » lançait Sammy. Le train filait vers Chicago tandis que Sammy s’occupait de son club, des ses champions.

En début se saison, le Neville était aussi le lieu des initiations des recrues, surtout durant le long trajet vers Chicago. Parfois drôles, parfois cruelles et barbares, ces rites de passage étaient fort prisés par le joueurs, les anciens bien sûr…pas par le petits nouveaux.

C’est ce pauvre Sammy qui devait tout nettoyer après ces initiations. Il le faisait toujours sans rechigner, sans se plaindre. Ca faisait partie de la vie à bord du train du Canadien.



En 1960, le Canadien abandonna le train pour l’avion. Sammy en fût attristé. C’était comme perdre sa famille.

Lors du dernier voyage à bord du train 1224, les joueurs remirent un cadeau à Sammy : une mini Coupe Stanley sur laquelle étaient gravés les noms de tous les membres du CH. Au-dessus de la liste, le nom Joe Sammy Grant était aussi gravé.

Sammy avait, à sa façon, participé à plusieurs conquêtes du fameux trophée.

En 1962, Sammy prit sa retraite et il se retira dans son pays natal, la Barbade. Je suis certain qu’il plaça sa mini Coupe Stanley bien en vue dans sa modeste maison à Bridgetown. Il avait, à sa manière, été membre du Canadien de Montréal. Lui aussi était un « champion ».

Un hommage à tous ces hommes qui ont trimé dur toute leur vie comme Porters à bord des trains de passagers du CPR et du CNR.



09/10/2018
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