LIMOILOU- NOSTALGIE

LIMOILOU- NOSTALGIE

Nous avons mal à notre passé religieux- André Lévesque

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«  Beaucoup de  Baby Boomers ne font plus confiance aux messagers mais ils croient encore au message tel qu'on leur a transmis quand ils étaient enfants. » Pierre Bujold

 

1958

            J’ai 12 ans.  Je suis ce qu’on appelle un bon ti-gars. Studieux, respectueux avec les aînés, serviable, obéissant.  Je suis même enfant de chœur et Louveteau où on apprend l’entraide et la débrouillardise. La devise est franchise, dévouement, pureté. 

 

            Prêtres et religieux sont partout dans la paroisse.  Ils dirigent tout : écoles, hôpitaux, activités de loisir.  Il y a toujours un aumônier dans nos activités. Ce sont les années 50, la domination de l’Église catholique et de son serviteur, Duplessis. Mais je suis un enfant et cela est l’affaire des adultes.             

 

            J’aime bien les religieux.  Je leur fait totalement confiance.  Comment des hommes et des femmes de Dieu peuvent-ils être méchants? On nous enseigne qu’ils exercent un ministère sacré, qu’ils aident les gens à grandir dans leur foi par leur exemple. Comment peuvent-ils faire du mal? 

 

            Cette année là, le frère recruteur qui faisait la tournée de toutes les écoles secondaires de Limoilou à la recherche de ceux qui semblaient avoir la vocation religieuse m’avait dans sa mire. J’étais parmi les bons élèves, enfant de chœur, orphelin de père, studieux et pieux. J’étais le candidat idéal. 

 

            J’ai décidé que je serais religieux, missionnaire même, au Chili. Début juillet, nous avons reçu une lettre annonçant que je serais juvéniste chez les frères à Amqui, un village de la Gaspésie, très loin de Limoilou, de ma famille, de mes amis.  Désastre, déception.

 

J’ai alors annoncé à maman que je n’irais pas à Amqui, que je ne serais pas missionnaire.  « C’est ta décision mon gars, fais ce qu’il y a de mieux pour toi » me dit maman.  Et j’ai lu dans ses yeux le bonheur et un grand soulagement.

 

 

 

2019

            J’ai 72 ans.  Quand les premières  révélations sur les prêtres et le religieux abuseurs sont sorties dans les médias je me disais ce n’était qu’un ruisseau d’accusations mais c’est devenu un raz de marée de révélations troublantes. Difficile de ne pas croire ces milliers de victimes, difficile de rester dans le déni. J’ai eu mal à mon passé religieux même si, surement par chance, je n’ai jamais été victime de ces hommes en noir pédophiles.

 

            Il m’arrive d’imaginer quelle aurait été mon adolescence au juvénat (1) d’Amqui. Si j’avais été abusé, qui m’aurait cru, qui m’aurait aidé?  Un enfant de 12 ans n’a que  peu de moyens de se défendre dans un monde où on mettait sur un piédestal religion et religieux. On m’aurait dit que j’imaginais des « choses » ou que je mentais. J’aurais été seul avec mon désespoir à 600 milles de chez moi.

 

            On sait aujourd’hui que l’Église savait et a préféré se taire en protégeant ses prêtres et religieux criminels. C’était l’omerta, la loi du silence et je suis certain qu’à Amqui, comme ailleurs, on aurait fermé les yeux.

 

            Malgré tout, je continue à croire au message, aux valeurs transmises par les religieux, les messagers de Dieu, en me disant que peut-être, peut-être que ces hommes qui m'ont enseigné ne faisaient pas partie de ces êtres ignobles qui prétextant servir Dieu abusaient d’enfants innocents. 

 

            «  Beaucoup de  Baby Boomers ne font plus confiance aux messagers mais ils croient encore au message tel qu'on leur a transmis quand ils étaient enfants. » Pierre Bujold

 

(1)  Établissement d’enseignement secondaire catholique, dirigé par des religieux, qui assure la formation de jeunes se destinant à la vie religieuse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



20/02/2019
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