Mon oncle Jos et sa passion pour les Canadiens de Montréal
André Lévesque
1958-
Je suis en train de jouer avec mon jeu de Mécano quand ma mère me demande un samedi soir :
- Pourrais-tu aller porter de l’eau bénite chez ton oncle Jos ?
Ce n’est pas la première fois que maman m’envoie faire cette commission chez l’oncle Jos qui est toujours malade. Mais bon, en gentil ti-gars de 12 ans, j’vais encore une fois me rendre chez mon oncle qui habite tout près sur la 3e avenue. Je ne connais ni le nom, ni la nature de sa maladie mais je ne pose pas de questions comme je ne questionne pas le rôle de l’eau bénite. Ça doit aider les malades.
Quand j’arrive chez Jos, il est assis au salon la tête presque collée à un petit radio.
- Il écoute la Soirée du hockey me dit ma tante. Faut pas le déranger. Il dit que la voix de René Lecavalier lui fait du bien. Pis quand ses Canadiens gagnent ben y file mieux pendant trois jours.
Mon oncle, qui n’est pas jaseux, me salue d’un geste de la main et il retourne à sa passion. Il fixe la radio comme s’il pouvait voir les joueurs. C’était avant la télévision qui bien qu’arrivée à Québec en 1952 est encore très rare dans les foyers.
Soudain, j’entends ce cri venant de la radio : « Et c’est le but de Béliveau ». Mon oncle s’agite et il applaudit l’appareil radio.
- Tu vois, c’est toujours comme ça. Quand ses Canadiens scorent, on dirait qu’il reprend des couleurs. Pis son club gagne souvent faque Jos est heureux les samedis soir. Quand ils pardent, ben là Jos dort mal. Imagine ce que cé quand Montréal gagne la Coupe Stanley. Il en parle pendant des semaines.
- Pis ça fait trois fois de suite j’pense que les Canadiens gagnent la Coupe. Mon oncle doit être de bonne humeur souvent ?
- Mets-en, répondit ma tante. Moé, j’en ai pour un grand boutte à entendre parler du Rocket, de Béliveau, de Jacques Plante, de Doug Harvey pis d’la parade d’la Coupe Stanley. Ça me tanne assez mais coudon, pendant ce temps là Jos pense pas à sa maladie.
Je n’ai pas osé demander c’était quoi sa fameuse maladie comme je n’ai pas demandé à quoi servait l’eau bénite. Je pense que c’était une superstition pour faire gagner les Canadiens. Ou un tonique ? Qui sait.
Mononc’ Jos est décédé en 1961. Le Canadien avait gagné cinq Coupes Stanley de suite. Jos est parti heureux.
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