LIMOILOU- NOSTALGIE

LIMOILOU- NOSTALGIE

Ange-Aimée Simard dite "la trente sous"

 

 

Noel 1963

 

Durant les années 60, j’ai été jeune chansonnier, ce qu’on appellerait de nos jours chansonnier de la relève. On donnait des spectacles dans les Boites à chansons comme la Brique à Limoilou, le Cro-Magnon à Sainte Foy, la Halte des chansonniers sur la rue Couillard et au Petit Champlain pour n’en nommer que quelques unes.

 

Il nous arrivait aussi d’aller chanter dans des salles paroissiales, dans des couvents, dans de petits Cafés et même dans des sous-sols d’église.

 

Cinq jours avant Noel, mon « agent » m’appelle pour m’offrir un contrat dans un restaurant du Boulevard Charest.

 

- C’est pour une organisation qui s’occupe des personnes défavorisées de Saint Roch me dit-il. C’est leur diner de Noel.  Tu leur chantes sept ou huit chansons. Tu arriveras au resto vers une heure.

 

Le jour dit, je me présente devant un public d’une trentaine de personnes. Je m’installe au micro et je leur annonce le titre de ma première chanson, Ma reine était bergère, une balade poétique à la manière des troubadours du Moyen Âge.  Catastrophe!  Personne n’écoute.  Je réalise rapidement que mes petites balades à l’eau de rose ne seront pas les bienvenues.

 

Mais the show must go on.  Après ma troisième ritournelle, un gars dans le salle me crie « On veut du Western tabar…. ».

 

Heureusement, je connais deux chansons de  Willie Lamothe que je m’empresse de leur interpréter. Wow, les gens chantent avec moi. 

 

- Merci, leur dis-je. Une dernière chanson. C’est sur quelqu’un que tous connaissent à Saint Roch. Ça s’appelle Ange-Aimée.

 

Je commence donc à leur chanter, sur un rythme western bien sûr, l’histoire triste d’une fille qui fait la rue et que l’on surnomme « la trente sous ».  Ils écoutent religieusement.

 

Mon court spectacle terminé, comme je m’apprêtais à quitter la salle, une femme dans la trentaine, cigarette au bec, vint vers moi.

 

- Hé l’chanteur, c’est moé Ange-Aimée trente sous.

 

Je figeai prêt à m’excuser…

 

- Fais pas cette face là mon pit me dit-elle.  J’ai ben aimé ta toune pis tu riais pas de moé.  Ça va être mon cadeau de Noel. Chus une vedette asteure me dit-elle en me faisant un clin d’œil. Si tu fais un record, mets ma chanson dessus. Marci.

 

En revenant chez moi, j’ai réalisé que donner un peu de bonheur, même sans s’en rendre compte, c’était peut être ça la magie de Noel.

 

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Pratiquant « le plus vieux métier du monde », Ange-Aimée Simard est décédée le 30 mars 2019 à l’Hôtel-Dieu de Québec à l’âge de 78 ans.

 

« J’ai connu Ange-Aimée il y a 33 ans. Suite à un grave accident, je lui ai rendu visite aux soins intensifs. À la demande de sa mère, elle a dû pratiquer ce métier dégradant et déshonorant que nous connaissons pour nourrir sa famille. Ange-Aimée n’a pas eu une vie facile », a précisé Gilles Kègle.

 

 

 

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08/12/2019
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